Choisir la stratégie commerciale…
Ayant compris que je ne pouvais pas avoir de suivi sur les tissus et que cela signifiait assurer moi-même ma production, venait le temps de réfléchir à la saisonnalité des collections et d’établir une stratégie commerciale.
Si tu vends en gros, tu es contraint de t’organiser en fonction du calendrier officiel des collections, et donc de présenter tes collections suffisamment à l’avance pour avoir le temps d’assurer ta production. Il faut savoir que le temps de fabrication lorsque tu fais toi-même ta production est assez long, cela a forcément un impact sur ton prix de revient. Il est donc difficile de permettre à un intermédiaire d’ajouter ses marges si tu souhaites garder une gamme de prix cohérente. Je considérais cette organisation beaucoup trop complexe pour une jeune maison. Il a donc fallu aller à contre-courant de la norme et m’adresser directement à la clientèle finale. Mon rêve de gosse, être commercialisé au Bon Marché, s’évanouissait.
Alors on reprend tout à zéro, on repart de la base. Créer une communauté sur les réseaux sociaux. Apprendre à lui parler suffisamment fréquemment pour pas qu’elle t’oublie sans pour autant être trop redondant pour ne pas qu’elle ne se lasse. Ma tête fumait. On m’a toujours appris que dans l’année il y avait minimum deux grosses saisons « printemps/été » & « automne/hiver » mais si tu créer à ce rythme, ça implique que pendant 6 mois tu partages les mêmes images aux mêmes personnes. Rien que d’y penser ça me soûlait déjà, je ne me voyais pas publier une photo de James Dean entre deux images de vêtements pour donner l’illusion d’avoir du contenu à partager.
Puis ça n’est que la partie communication, créativement parlant c’est pire ! Je suis de nature impatiente, alors me trimbaler les mêmes pièces pendant 6 longs mois n’était vraiment pas envisageable. Dans mon processus d’inspiration, j’aime partir d’un fait divers ou d’un point chauffant de l’actualité, mais en 6 mois il s’en passe des choses… Ce rythme était décidément trop frustrant et il ne me correspondait pas.
Ce n’est pas facile de s’affranchir des convictions qu’on t’a implanté dans la tête au forceps pendant des années. Les pratiques que je trouvais jusqu’ici exécrables s’envisageaient doucement…
See Now buy Now, un gros mot ! Pour moi c’était une façon de presser toujours plus le citron alors qu’il n’y avait plus de jus. Quand toutes ces idées se bousculaient dans ma tête on était en 2015, c’était l’année où Albert Elbaz quittait Lanvin pour dénoncer le rythme toujours plus insoutenable des collections dans le monde de la mode, et j’étais d’accord avec lui. Quelques années auparavant j’avais pourtant participé à l’élaboration puis à la mise en place d’une stratégie de fast fashion dans une marque de grande distribution pour homme. Et je m’étais rendu compte beaucoup trop tard à quel point nous avions été fous de penser qu’en sortant des nouveautés toujours plus rapidement on allait augmenter la désirabilité de la marque et conquérir des part de marchés, triste fumisterie. Le problème était bien ailleurs mais nous ne voulions pas le voir (j’en ferai surement l’objet d’un article plus tard). Ça en devenait schizophrénique, une partie de moi était frustré de la lenteur de création et l’autre profondément choqué par la surconsommation qu’entrainait la fast-fashion.
Mais en poussant plus loin la réflexion je m’étais rendu compte que dans tous les cas que je ne pouvais pas fabriquer plus d’une centaine de pièces à l’année, je n’avais pas les moyens de recruter un couturier pour m’aider, et qu’il était hors de question d’externaliser une partie de ma production. Ça m’avait fait du bien d’envisager cette question sous un angle nouveau et de poser cette limite de fabrication. Ça avait en quelques sortes réconcilié ces deux opposés que sont la slow fashion et la fast fashion. Avoir à choisir entre deux collection de 60 pièces ou une réserve d’une centaine de pièces à exploiter au fil de l’actualité me simplifiait grandement la tâche.
J’ai finalement adopté cette deuxième option pour assouvir ma soif de créativité, mais aussi pour avoir suffisamment de contenu à partager sans être répétitif ou hors sujet. Et puisque j’avais la volonté de créer des pièces uniques ou du moins d’ultra mini-séries j’avais enfin trouvé le rythme de création parfait sans pour autant pousser à la consommation. Fin de migraine ! Début de l’histoire.
Merci d’avoir lu le dernier article de cette série consacrée à la création de ma maison de couture.
Je pense profondément qu’en t’expliquant mes délires créatifs ou en partageant avec toi mes humeurs, nous construirons des liens forts, on pourra interagir et je pourrais t’impliquer dans mon processus créatif. C’est pourquoi j’ai décidé de continuer à alimenter la rubrique blog de mon site, tu y trouveras dans la limite du faisable un nouvel article sur un fait marquant de la semaine ou du mois (qu’il soit dans l’univers de la mode, de l’actualité ou propre à la maison) j’espère te compter parmi mes futurs lecteurs.
Comme nous ne sommes pas sur YouTube et que je ne peux pas te demander de mettre un petit pouce bleu, je t’invite à commenter cet article pour me dire ce que tu en penses.